Bilan thermique, calcul et adéquation...Haute température ou pas ?
Des clients soucieux de moderniser leur installation de chauffage m'ont contacté pour vérifier la faisabilité d'installation d'une pompe à chaleur en remplacement de leur chaudière fioul.
C'est l'occasion de vous détailler la démarche nécessaire et indispensable à la pose d'une PAC dans de bonnes conditions. Encore une fois, méfiez-vous des installateurs capables de vous fournir un dimensionnement en quelques minutes. Personnellement, vu les données à collecter et compiler, j'en suis incapable. Vous allez très rapidement comprendre pourquoi.
Il s'agit donc d'une maison de 170m² construite en 97 avec des matériaux de qualité. Le relevé exhaustif des métrés, de la composition des murs, types et épaisseurs d'isolants, dimensions et caractéristiques des menuiseries permet d'évaluer, après calculs, une déperdition de 9500 W à la température de base* de -9°C. Durant la visite, je me suis assuré qu'il n'existait pas de points de vigilance particuliers dans l'isolation grâce à la caméra thermique.
*Température de base : il s'agit de la température extérieure moyenne minimale constatée lors de 5 jours les plus froids d'une zone géographique donnée. Elle évolue donc suivant les différentes caractéristiques de votre environnement (climat, proximité de la mer, altitude...etc). Cette température ne s'invente pas et est définie par la norme NF 12831.
Il faut donc une pompe à chaleur capable de fournir 9.5kW à une température extérieure de -9°C.
Certains se diront qu'avec un bilan thermique soigné on dispose des éléments solides pour sélectionner la pompe ad hoc...Malheureusement, pas encore. Une autre étape tout aussi cruciale et souvent négligée (elle aussi...), est la vérification de l'adéquation des émetteurs de chaleurs (les radiateurs, convecteurs, planchers chauffants...etc). On sait qu'il faut produire 9,5kW à la température de base mais encore faut-il pouvoir transmettre cette puissance à l'ensemble des pièces de l'habitation...
Un moyen simple d'éviter ces calculs fastidieux serait de proposer de façon systématique une pompe à chaleur haute température, au risque de se retrouver avec une installation chère, trop puissante et plus gourmande en électricité. Puisque la puissance des émetteurs convenait jusqu'alors, elle doit bien pouvoir convenir pour une PAC.
Oui ! Mais...
Le coût important des solutions d'isolation par rapport au coût de l'énergie autorisait jadis (au XXème siècle...) l'utilisation de chaudières et émetteurs capables de compenser (et oui , on ne se soucie des conséquences environnementales que depuis peu).
Les maisons ont donc évoluées, remplacement de menuiseries par ci, meilleure isolation par là mais pour beaucoup, le chauffage central resta tel quel, avec des émetteurs surpuissants et c'est finalement pas si mal ! Cela permet de conserver ses radiateurs mais de baisser la température d'eau. Un radiateur qui émettait 3000 W à son régime d'eau originel de 75-65°C produit peut-être encore suffisamment après isolation, à un régime inférieur, sans nécessairement passer par une pompe haute température, donc.
Rappelons qu'un radiateur peut être alimenté avec n'importe quel régime d'eau. Sa puissance ne dépend que du régime d'eau qui l'alimente et de sa surface d'échange (sa taille donc).
Revenons à notre cas concret en réalisant le relevé des émetteurs de chaleur. J'ai de la chance cette fois-ci, la documentation des radiateurs (ACOVA pour la plupart) est encore disponible.
On se retrouve avec un tableau permettant de comparer la puissance perdue (les déperditions) dans chaque pièce, la puissance nominale théorique (120% des déperditions) et la puissance disponible des émetteurs actuels à un régime d'eau standard dT50K (c'est à dire une température moyenne de l'eau dans le radiateur 50°C supérieure à la température ambiante, donc une température moyenne du radiateur de 70°C pour 20°C en ambiance).
La dernière colonne donne le régime d'eau optimal pour chaque émetteur. On remarque immédiatement qu'il y a un problème dans la cuisine et dans le hall d'entrée. Les émetteurs réclament une température d'eau excessive pour compenser les déperditions. Plus globalement, on remarque que les émetteurs du rez de chaussée sont dimensionnés plus justes qu'à l'étage.
Les propriétaires m'indiqueront avoir fait changer récemment le radiateur de la cuisine pour permettre la pose d'une verrière, ils se plaignent depuis d'un manque de confort dans cette pièce. Au regard des résultats des calculs, c'est compréhensible.
Je décide d'exclure la cuisine et le hall pour définir mon régime d'eau optimal. Dans la cuisine, je préconiserai le remplacement du radiateur par un modèle plus puissant. Dans le hall le manque de puissance est plus modéré et ne s'agissant pas d'une pièce de vie à proprement parler, on peut tenter de le maintenir en place. Il serait absurde d'augmenter la température du circuit d'eau uniquement pour ce radiateur.
C'est donc le séjour qui sera dimensionnant avec un besoin de 56°K à -9°C extérieur.
A suivre...